31 décembre 2016

2016 - le bilan du blog

Fig 1. Remboursé !
Honnêtement ce soir il est un peu tard pour me lancer dans le bilan, qui s'annonce fastidieux, de mon année 2016 (une démission, une séparation, un déménagement, des ruptures amicales et j'en passe et des meilleures, je crois que j'en ai jusqu'à 2018 pour débriefer correctement tout ça).

Je voulais faire le bilan de ce blog, du deuxième jour du reste de ma vie. J'ai commencé à l'écrire trois jours après ma rupture, cet été. C'était la première fois que je me retrouvais seule vraiment longtemps dans mon appartement après avoir passé quasiment deux jours incrustée dans la famille d'une de mes plus chères amies. Je comptabilisais encore les heures que j'avais réussi à passer sans pleurer.

Le jour se couchait super tard, je pouvais pas retourner courir parce que mes jambes me tiraient encore de mon jogging du matin (et de celui de la veille, et de l'avant veille, cf cet article ^^).J'avais survécu à ma première nuit en solo en me gavant de séries netflix. Mais s'abrutir le cerveau d'émissions pour arrêter de penser ça va 5 min, je commençais à avoir vraiment le ciboulot en compote (et mon estime personnelle frôlait maintenant celle d'une poubelle d'un parking souterrain à 5h du mat).

Fig 2. Je ressemblais à ça mais qui fait la gueule

J'avais décidé de mettre à profit cette rupture pour perdre mes quelques kilos en trop (ça tombait bien, j'avais plus faim!), me remettre au sport, et ma copine m'avait incitée à ouvrir un compte instagram ou un blog pour me motiver dans mon projet parce que rupture+fitness ça allait TROP MARCHER. J'ai du lui rétorquer un gros "NO WAY !".

Bref, le soir venu, il fallait que je me trouve une occupation pour mon samedi soir ET mon dimanche, un truc un peu plus constructif que mater des séries. J'ai repensé à l'idée de ma copine en me disant qu'en fait c'était peut être l'occupation qu'il me fallait, c'était juste le sujet qui n'allait pas. J'ai trouvé le nom rapidement, et la machine était lancée.

Fig 3. Moi dans ma tête. En vrai pyjama et mascara coulé
J'ai du relire mon premier article environ 806 fois. J'ai écrit le deuxième dans la foulée. Le lendemain j'avais déjà 100 visites, mais j'avais pas encore compris que le serveur comptabilisais chacune de mes propres consultations de page (d'ailleurs en y repensant ça m'étonne qu'il n'y en ait eu que 100 vu la frénésie avec laquelle j'actualisais mon blog pour le relire).

Honnêtement même si avec le recul ce ne sont pas les meilleurs articles de ce blog, ce sont peut être ceux dont je suis la plus fière.


Je sais pas si c'est facile de concevoir l'état d'une personne qui vient de se faire larguer EN MOINS DE DEUX HEURES (c'est le temps qu'il a fallu entre le "il faut qu'on parle" et le claquement de porte définitif) après quasiment 10 ans de couple et plus de 7 de vie commune, mais en gros tout mon quotidien, mes habitudes, mon amour, venaient de voler en éclat sans que je puisse intervenir en quoi que ce soit.

Et que dans cet état second, irréel même, j'arrive à aligner plus de deux mots, à "rire" de la situation, à faire des phrases ni trop moches, ni trop chiantes, vous pouvez pas savoir le bien que ça m'a fait. De me sentir capable de quelque chose. Et surtout, de quelque chose que je trouvais bien.

Au début j'écrivais surtout pour m'occuper. J'étais hyper prolifique en juillet et en août parce que j'avais besoin d'écrire pour tenir. Le fait de me poser devant cette page blanche, de devoir remuer mes pensées pour en sortir des idées ou des réflexions, ça m'a permis de pas mal avancer sur cette rupture, même si ça ne m'a pas empêché de m'aventurer parfois sur la mauvaise route.

Fig 4. Profil des lecteurs de ce blog selon google analytics

Mais ce que je n'aurais jamais imaginé en commençant ce blog, c'est qu'il puisse toucher d'autres personnes que ma pomme, hormis peut être mes amies proches.

En vérité j'ai reçu des messages et des commentaires magnifiques ici ou ailleurs, j'ai discuté avec plein de personnes formidables qui étaient ou s'étaient retrouvées un jour dans la même position que moi et avec qui j'ai fait un petit bout de chemin.


Une personne que j'aime bien m'a dit qu'il fallait pas que je reste éternellement dans la posture de la fille larguée, que je me définisse uniquement par ma rupture. C'est vrai qu'aujourd'hui encore, elle est très présente dans mon quotidien et sur ce blog. Je n'ai pas encore fini de lâcher prise et de ramasser tous les petits cailloux qu'on a semé ensemble tous les deux depuis cette soirée du nouvel an, il y'a tout juste 10 ans.

Mais ce qui est bien avec ce blog, c'est que même si son point de départ reste notre séparation, ça parle avant tout du reste de ma vie. Et je compte bien faire quelque chose de tout ce temps.

A la base j'avais uniquement prévu de vous faire la liste de mes cinq articles préférés et je suis complètement partie en vrille, alors ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, mais voilà mon top 5 (hormis les deux premiers articles déjà cités qui sont hors compétition!) :

Le dixième jour du reste de ma vie :

Fig Femme à sa toilette
- Toulouse Lautrec
C'est peut être l'article pour lequel j'ai le plus pleuré.

Une fois terminé je me souviens avoir fait une vraie crise de panique (je n'en avais jamais fait avant, et plus depuis), je me souviens que j'étais vraiment dans une détresse absolue et que j'avais réussi à garder mon ex près d'une heure au téléphone dans une conversation complètement absurde qui se résumait à "Je peux rien pour toi Leah" "Alors pourquoi t'as pas raccroché ? Pourquoi ça fait 45min que tu me répètes ça ?"

J'avais complètement oublié cette soirée. C'était peut être pas plus mal. Mais l'article est beau je trouve.


Le départ (en vacances)
 
Fig. Illustration de qualité
Cet article a l'air plutôt anodin mais en fait il s'agit d'un vrai tournant dans mon acceptation de la rupture.

Cinq minutes avant de l'avoir écrit je réalisais que si vraiment je voulais essayer de récupérer mon ex, c'était maintenant qu'il fallait que je rebrousse chemin, que je rentre à l'appartement et que je lui fasse la déclaration de ma vie.

Et je me suis résignée. J'ai pris ma décision de partir quand même vivre de belles choses sans lui.



Que serais-je sans toi ?

Fig . En vrai j'écris sur l'ordi mais c'est moins sexy
Il y a eu ensuite plusieurs articles où j'ai commencé à vraiment prendre conscience de ce qu'impliquait la rupture, comme celui ci ou celui là, mais je trouve que ce texte fait bien la synthèse.

En vrai j'avais complètement crushé sur le mec rencontré sur le site où je m'étais inscrite/désinscrite un peu plus tôt et je faisais 8000 projections dans ma tête. J'avais aussi croisé un flic magnifique dans le métro avec qui on avait échangé des petits regards complices mais ses deux collègues et sa mitraillette en bandoulière avaient calmés mes hardeurs.


THE date

Fig. Ah ah ah. Ah.
C'est pas l'article le mieux écrit, mais bon il faut admettre qu'il résume les 48h (oui parce que le date a duré jusqu'au lendemain soir, même si je dois être la seule à m'en souvenir) parmi les plus chouettes du reste de ma vie.

Je saurais pas expliquer comment deux êtres aussi imparfaits que nous (fin surtout lui) ont réussi à faire de cette journée une telle réussite...

Mais on a vraiment passé un beau moment ensemble, comme ça faisait longtemps que j'en avais pas vécu.


Le reste de ma vie

Fig. Illustration de qualité #4567
C'est vraiment difficile de s'arrêter à 5 articles (surtout que j'aime beaucoup les deux derniers) mais j'apprécie énormément celui là, parce qu'il rappelle que pour digérer une rupture ça demande beaucoup de force mais surtout de temps.

J'en avais vraiment pas conscience au début, et tout m'est revenu un peu dans la tronche une fois bien installée dans ma nouvelle vie.

Maintenant je continue d'avancer, mais avec prudence.


Bon et pour terminer je sais que vous ne laissez pas souvent des commentaires, mais ce serait tellement trop cool de la life si vous me disiez quels articles vous aviez aimé ou pas cette année :)

Merci encore de m'avoir accompagnée dans cette histoire de fous <3

30 décembre 2016

Histoire de bague

Depuis petite, je n'ai jamais supportée une bague à mon doigt plus de deux heures.

Je ne sais plus trop si je vous en avais parlé, mais peu après nous être mis en couple, alors qu'on avait 17 ans, mon ex avait rompu avec moi pour d'obscures raisons (au léger strabisme et bonnet E)... Il lui avait fallu une dizaine de jours pour se rendre compte que j'étais finalement la femme de sa vie (et une dizaine d'année pour réaliser qu'en fait non!) et reprendre notre histoire là où nous l'avions laissée.

Fig 1. C'était plutôt un strabisme convergent

Quelques semaines après cet épisode orageux, et alors que j'étais entrain de lui servir du jus d'orange dans la cuisine de mes parents (non mais hier c'était pas un fake quand je vous disais que je me rappelais de tout!), il m'a offert une jolie bague en or blanc avec un mini truc qui brille (qui devait plus tenir du strass que du diamant étant donné son budget de lycéen) pour me faire plaisir et sûrement alléger un peu sa conscience.

Je ne l'ai plus quitté dès lors. Passés les trois premiers jours où j'avais la sensation pesante de ce truc en plus un peu gênant, c'était comme si je l'avais toujours eu. Je la gardais pour me laver, dormir, aller à la piscine, travailler. Elle a été de tous mes voyages, de toutes mes plongées, mes virées au ski, mes courses dans la boue (je vous rassure, ce n'est pas si fréquent).

Fig 2. Moi qui pleure encore un peu mais
qui vais quand même avoir une autre bague
donc en vrai ça va déjà beaucoup mieux !
Je l'avais enlevée lors de nos premières vacances en Bretagne juste avant mes 18 ans et pour une raison qui m'échappe encore, elle avait glissé de ma table de chevet et impossible de remettre la main dessus des heures durant.

Alors que je pleurais toutes les larmes de mon corps en invoquant Saint Antoine de Padoue, mon ex s'était proposé de m'en offrir une autre.

" Snfff..fnfnnf..d'ac..d'accord... mais une pas trop chère alors... parce que tu vas pas exploser ton budget alors que c'est moi qui l'ai perdue...bouhouhou (oui quand je pleure je suis inconsolable!)

- Non je t'en offrirai une encore plus belle, comme ça tu ne regretteras jamais l'ancienne !"


Finalement le soir même la bague avait été retrouvée dans une chemise en papier au fond de mon sac. Le mystère table de chevet-chemise en papier reste encore entier à ce jour (mais promis, s'il y a des avancées dans l'enquête, je vous tiendrai au courant).

Elle a donc passé l'essentiel des neufs années qui ont suivi à mon annulaire, l'enlevant uniquement pour besoins impérieux style "malaxage de viande hâchée à la main" (quoi ? vous avez jamais cuisiné de couscous ?). L'or blanc avait finir par redevenir jaune avec le temps et la vie trépidante que je lui imposais.

Mon ex n'avait jamais voulu m'en offrir d'autres à cause de la "connotation" et des projections que j'y ferais (comprendre "tu me soûles meuf avec tes idées de mariage").

Bon bien entendu, une fois la rupture consommée, la question de la bague s'est posée. Au début j'avais plein d'arguments pour la garder au doigt :

Fig 3. C'était pas marqué dessus
mais c'était tout comme...
"Non mais elle fait partie de moi, je m'en fous de qui me l'a offerte" "Je la porte parce qu'elle est jolie et qu'elle va bien avec mes boucles d'oreille" "Je la garde juste pour vérifier que je bronze bien quand je l'enlève".

Je ne sais pas s'il y avait un fond de vérité dans aucune de ces affirmations..

J'ai passé tout l'été avec. Une fois rentrée sur Paris, et les premières hostilités lancées avec mon ex, j'ai rapidement décidé de l'enlever parce qu'officiellement je me mentais à moi même (et qu'officieusement j'espérais qu'il remarque que je ne la portais plus et que ça lui pince le coeur. Plic.).

Je pensais me réhabituer rapidement à la nudité obscène de ma main. Les jours, les semaines, les mois ont passé, et j'avais toujours l'impression de ce membre fantôme. Je me surprenais à essayer de jouer avec et à m'étonner de son absence, à chaque fois.
Fig 4. I'm often a big crying baby

Bref, je commençais à envisager l'idée de m'acheter ma propre bague, en mode girl-power / JE est mon maître / je n'ai besoin de personne en harley davidson. Et hier soir, alors que je venais de réaliser pour la 3ème fois de la journée que ma bague n'avait pas miraculeusement réapparue comme ça avait pourtant été le cas en Bretagne, j'ai décidé de me plaindre à ma mère (ma seconde passion pendant les vacances de noël après manger).

"Ma bague me manque faut que je m'en achète une mais je trouve rien qui me plaise la vie est trop nulleuhhhh"

Je vous jure que pour une fois, je disais ça sans arrière pensées.

Ce matin à mon réveil, ma maman avait descendue sa vieille boîte à bijoux, avec toutes les bagues de sa maman à elle. Et parmi tous les trésors qu'elle contenait, je suis tombée en amour devant la bague avec laquelle mon grand père lui avait demandé sa main à ma grand mère. La bague grâce à laquelle j'écris ces mots ici ce soir. La bague qu'aucun garçon ne pourra me faire enlever.

La vie est trop chouette en fait quand on a une mère comme la mienne (et une bague aussi belle).

....


(Ok ok je vous la montre puisque vous insistez !)
Fig 5. Lord of the ring

23 décembre 2016

Noël


Fig 1. Soft kitty, warm kitty, little ball of fur
C'est la première année où je n'attends pas Noël avec impatience.

Je n'ai pas décoré mon appartement parce que je trouvais ça déprimant de me retrouver tous les soirs dans un appartement, qui sent la cannelle et les souvenirs d'enfants, seule avec mon chat.


Je ne me suis occupée d'aucun cadeau avant cette semaine, et le pire c'est que je ne ressentais ni stress ni culpabilité, j'étais juste profondément pas concernée par tout ça.


Bon en vrai j'avais quand même trouvé celui de mon filleul de 15 mois parce que même si je suis devenue une porte de prison hermétique aux pères noëls bouffis et aux steaks de rennes, c'est impossible d'être insensible à tant de mignonitude condensée dans 9 kilos de douceur.



Quand je fais mon travail d'introspection, j'ai l'impression que ce désintérêt total et inhabituel est signe d'un malaise profond voire d'une dépression sous-jacente que j'essaie de dissimuler sous des montagnes d'auto-persuasion depuis des mois. Mais comme je suis un peu hypocondriaque sur les bords, je me dis que j’extrapole un peu tout ça.



Le garçon que je fréquente depuis quelques mois -et que j'avais promis de ne plus jamais évoqué sur ce blog parce que 1) il lit ce blog et 2) tout ce que je peux écrire ici vous pouvez être sûr que dès le lendemain je penserai l'inverse- m'a partagé à de nombreuses occasions sa théorie : "Ou fond Leah, tou est complètement déssespélée même si tou dit les contraires" (oui un peu d'italian bashing n'a jamais fait de mal #racism-is-so-2016 #parmigianoreggiano).


Là encore, impossible de savoir s'il est dans le vrai étant donné que lui même projette sa mélancolie sur moi et qu'il analyse ma propre rupture par le filtre biaisé de la sienne. Ok, dit comme ça, on a l'air de former une belle équipe de bras cassé (ce qui n'est pas faux) mais on partage le même amour des burgers, des sculptures électromécanomaniaques et des balades près de la seine, et pour moi aujourd'hui c'est suffisant.

Fig 2. That's the dream

Y'a d'autres indices qui tendent à me faire penser que mon moral n'est pas au top ces dernières semaines. Le fait que mon déménagement s'éternise et que je n'achète plus de chaussures à talon. Oui non mais je suis un peu débile comme fille, mais que je fasse passer mon confort avant l'esthétique de mon molet, j'ai l'impression que c'est plus le signe d'un désengagement total envers moi même (et la gente masculine) qu'une véritable émancipation féministe.


Évidement que j'appréhende ces fêtes de fin d'année, de passer mon réveillon à rassurer ma famille que je-vais-bien-ne-vous-en-faites-pas, marcher dans ces rues où on a accumulé tant de souvenirs depuis cette rentrée de 6ème où je l'ai rencontré. De fêter le nouvel an plutôt que de célébrer nos dix ans de couple.


Finalement j'ai plutôt pas mal de raisons de pas aller tout à fait bien ce mois-ci.

Mais cette semaine, j'ai enfin fini de déménager et je me suis achetée deux paires de chaussures à talons, c'est plutôt bon signe ? Non ?


Fig 3. To be or not to be

20 décembre 2016

La guérison

 La chatte grise est ravie que je fasse du théâtre. Théâtre ou music-hall, elle n’indique pas de préférence. L’important est que je disparaisse tous les soirs, la côtelette avalée, pour reparaître vers minuit et demi, et que nous nous attablions derechef devant la cuisse de poulet ou le jambon rose… Trois repas par jour au lieu de deux ! Elle ne songe plus, passé minuit, à celer son allégresse. Assise sur la nappe, elle sourit sans dissimulation, les coins de sa bouche retroussés, et ses yeux, pailletés d’un sable scintillant, reposent larges ouverts et confiants sur les miens. Elle a attendu toute la soirée cette heure précieuse, elle la savoure avec une joie victorieuse et égoïste qui la rapproche de moi… 

Ô chatte en robe de cendre ! Pour les profanes, tu ressembles à toutes les chattes grises de la terre, paresseuse, absente, morose, un peu molle, neutre, ennuyée… Mais je te sais sauvagement tendre, et fantasque, jalouse à en perdre l’appétit, bavarde, paradoxalement maladroite, et brutale à l’occasion autant qu’un jeune dogue… 

Voici juin, et je ne joue plus La chair, et j’ai fini de jouer Claudine… Finis, nos soupers tête à tête !… Regrettes-tu l’heure silencieuse où, affamée, un peu abrutie, je grattais du bout des ongles ton petit crâne plat de bête cruelle, en songeant vaguement : « Ça a bien marché, ce soir… » Nous voilà seules, redevenues casanières, insociables, étrangères à presque tout, indifférentes à presque tous… Nous allons revoir notre amie Valentine, notre « relation convenable », et l’entendre discourir sur un monde habité, étrange, mal connu de nous, plein d’embûches, de devoirs, d’interdictions, monde redoutable, à l’en croire, mais si loin de moi que je le conçois à peine… 

 Durant mes stages de pantomime ou de comédie, mon amie Valentine disparaît de ma vie, discrète, effarée, pudique. C’est sa façon courtoise de blâmer mon genre d’existence. Je ne m’en offusque pas. Je me dis qu’elle a un mari dans les automobiles, un amant peintre mondain, un salon, des thés hebdomadaires et des dîners bi-mensuels. Vous ne me voyez guère, n’est-ce pas, jouant La chair ou Le faune en soirée chez Valentine ou dansant Le serpent bleu devant ses invités ?… Je me fais une raison. J’attends. Je sais que mon amie convenable reviendra, gentille, embarrassée, un de ces jours… Peu ou beaucoup, elle tient à moi et me le prouve, et c’est assez pour que je sois son obligée… 

 La voici. J’ai reconnu son coup de sonnette bref et précis, son coup de sonnette de bonne compagnie… 

– Enfin, Valentine ! Qu’il y a donc longtemps…

Quelque chose dans son regard, dans toute sa figure, m’arrête. Je ne saurais dire, au juste, en quoi mon amie est changée. Mauvaise mine ? Non, elle n’a jamais mauvaise mine, sous le velours égal de la poudre et le frottis rose des pommettes. Elle a toujours son air de mannequin élégant, la taille mince, les hanches ravalées sous sa jupe de tussor blond. Elle a ses yeux bleu-gris-vert-marron frais fleuris entre leur double frange de cils noircis, et un tas, un tas de beaux cheveux blond-suédois… Qu’y a-t-il ? Un ternissement de tout cela, une fixité nouvelle dans le regard, une décoloration morale, si je puis dire, qui déconcerte, qui arrête sur mes lèvres les banalités de bienvenue… Pourtant elle s’assied, adroite à virer dans sa longue robe, aplatit d’une tape son jabot de lingerie, sourit et parle, parle, jusqu’à ce que je l’interrompe sans diplomatie :

– Valentine, qu’est-ce que vous avez ?

Elle ne s’étonne pas et répond simplement :

– Rien. Presque rien, vraiment. Il m’a quittée.

– Comment ? Henri… Votre… Votre amant vous a quittée ?

– Oui, dit-elle. Ça fait juste trois semaines aujourd’hui.

La voix est si douce, si froide, que je me rassure :

– Ah ! Vous… vous avez eu du chagrin ?

– Non, dit-elle avec la même douceur. Je n’en ai pas eu, j’en ai.

Ses yeux deviennent tout à coup grands, grands, interrogent les miens avec une âpreté soudaine :

– Oui, j’en ai. Oh ! j’en ai… Dites, est-ce que ça va durer comme ça ? Est-ce que je vais souffrir longtemps ? Vous ne connaîtriez pas un moyen… Je ne peux pas m’habituer… Que faire ?

La pauvre enfant !… Elle s’étonne de souffrir, elle qui ne s’en croyait pas capable…

– Votre mari, Valentine… il n’a rien su ?

– Non, dit-elle impatiemment, il n’a rien su. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Qu’est-ce que je pourrais faire ? Vous n’avez pas une idée, vous ? Depuis quinze jours je suis à me demander ce qu’il faut faire…

– Vous l’aimez encore ?

Elle hésite :

– Je ne sais pas… Je lui en veux terriblement, parce qu’il ne m’aime plus et qu’il m’a quittée … Je ne sais pas, moi. Je sais seulement que c’est insupportable, insupportable, cette solitude, cet abandon de tout ce qu’on aimait, ce vide, ce…

Elle s’est levée sur ce mot « insupportable » et marche dans la chambre comme si une brûlure l’obligeait à fuir, à chercher la place fraîche…

– Vous n’avez pas l’air de comprendre. Vous ne savez pas ce que c’est, vous…

J’abaisse mes paupières, je retiens un sourire apitoyé, devant cette ingénue vanité de souffrir, de souffrir mieux et plus que les autres…

– Mon enfant, vous vous énervez. Ne marchez pas comme cela. Asseyez-vous… Voulez-vous ôter votre chapeau et pleurer tranquillement ?

D’une dénégation révoltée, elle fait danser sur sa tête tous ses panaches couleur de fumée.

– Certainement non, que je ne m’amuserai pas à pleurer ! Merci ! Pour me défaire toute la figure, et m’avancer à quoi, je vous le demande ? Je n’ai aucune envie de pleurer, ma chère. Je me fais du mauvais sang, voilà tout…

Elle se rassied, jette son ombrelle sur la table. Son petit visage durci n’est pas sans beauté véritable, en ce moment. Je songe que depuis trois semaines elle se pare chaque jour comme d’habitude, qu’elle échafaude minutieusement son château fragile de cheveux… Depuis trois semaines – vingt et un jours ! – elle se défend contre les larmes dénonciatrices, elle noircit d’une main assurée ses cils blonds, elle sort, reçoit, potine, mange… Héroïsme de poupée, mais héroïsme tout de même…

Je devrais peut-être, d’un grand enlacement fraternel, la saisir, l’envelopper, fondre sous mon étreinte chaude ce petit être raidi, cabré, enragé contre sa propre douleur… Elle s’écroulerait en sanglots, détendrait ses nerfs qui n’ont pas dû, depuis trois semaines, faiblir… Je n’ose pas. Nous ne sommes pas assez intimes, Valentine et moi, et sa brusque confidence ne suffit pas à combler deux mois de séparation…

Et d’ailleurs quel besoin d’amollir, par des dorlotements de nourrice, cette force fière qui soutient mon amie ? « Les larmes bienfaisantes… » oui, oui, je connais le cliché ! Je connais aussi le danger, l’enivrement des larmes solitaires et sans fin ; – on pleure parce qu’on vient de pleurer, et on recommence ; – on continue par entraînement, jusqu’à la suffocation, jusqu’à l’aboiement nerveux, jusqu’au sommeil d’ivrogne d’où l’on se réveille bouffi, marbré, égaré, honteux de soi, et plus triste qu’avant… Pas de larmes, pas de larmes ! J’ai envie d’applaudir, de féliciter mon amie qui se tient assise devant moi, les yeux grands et secs, couronnée de cheveux et de plumes, avec la grâce raide des jeunes femmes qui portent un corset trop long…

– Vous avez raison, ma chérie, dis-je enfin.

Je prends soin de parler sans chaleur, comme si je la complimentais du choix de son chapeau…

– Vous avez raison ? Demeurez comme vous êtes, s’il n’y a pas de remède, de réconciliation possible…

– Il n’y en a pas, dit-elle froidement, comme moi.

– Non ?… Alors il faut attendre…

– Attendre ? Attendre quoi ?

Quel réveil tout à coup, quel fol espoir ! Je secoue la tête :

– Attendre la guérison, la fin de l’amour. Vous souffrez beaucoup, mais il y a pis. Il y a le moment, – dans un mois, dans trois mois, je ne sais quand, – où vous commencerez à souffrir par intermittences. Vous connaîtrez les répits, les moments d’oubli animal qui viennent, sans qu’on sache pourquoi, parce qu’il fait beau, parce qu’on a bien dormi ou parce qu’on est un peu malade… Oh ! mon enfant ! comme les reprises du mal sont terribles ! Il s’abat sur vous sans avertir, sans rien ménager… Dans un moment innocent et léger, un suave moment délivré, au milieu d’un geste, d’un éclat de rire, l’idée, le foudroyant souvenir de la perte affreuse tarit votre rire, arrête la main qui portait à vos lèvres la tasse de thé, et vous voilà terrifiée, espérant la mort avec la conviction ingénue qu’on ne peut souffrir autant sans mourir… Mais vous ne mourrez pas !… – vous non plus. Les trêves reviendront irrégulières, imprévisibles, capricieuses. Ce sera… ce sera vraiment terrible… Mais…

– Mais ?…

Mon amie m’écoute, moins défiante à présent, moins hostile…

– Mais il y a pis encore !

Je n’ai pas assez surveillé ma voix… Au mouvement de mon amie, je baisse le ton :

– Il y a pis. Il y a le moment où vous ne souffrirez presque plus. Oui ! Presque guérie, c’est alors que vous serez « l’âme en peine », celle qui erre, qui cherche elle ne sait quoi, elle ne veut se dire quoi… À cette heure-là, les reprises du mal sont bénignes, et par une étrange compensation, les trêves se font abominables, d’un vide vertigineux et fade qui chavire le cœur… C’est la période de stupidité, de déséquilibre… On sent un cœur vidé, ridé, flotter dans une poitrine que gonflent par instants des soupirs tremblants qui ne sont pas même tristes. On sort sans but, on marche sans raison, on s’arrête sans fatigue… On creuse avec une avidité bête la place de la souffrance récente, sans parvenir à en tirer la goutte de sang vif et frais, – on s’acharne sur une cicatrice à demi sèche, on regrette, – je vous le jure ! – on regrette la nette brûlure aiguë… C’est la période aride, errante, que vient encore aigrir le scrupule… Certes, le scrupule ! Le scrupule d’avoir perdu le beau désespoir passionné, frémissant, despotique… On se sent diminué, flétri, inférieur aux plus médiocres créatures… Vous vous direz, vous aussi : Quoi ! je n’étais, je ne suis que cela ? pas même l’égale du trottin amoureux qui se jette à la Seine ? » Ô Valentine ! vous rougirez de vous-même en secret, jusqu’à…

– Jusqu’à ?…

Mon Dieu, comme elle espère ! Jamais je ne lui verrai d’aussi beaux yeux couleur d’ambre, d’aussi larges prunelles, une bouche aussi angoissée…

– Jusqu’à la guérison, mon amie, la vraie guérison. Cela vient… mystérieusement. On ne la sent pas tout de suite. Mais c’est comme la récompense progressive de tant de peines… Croyez-moi ! cela viendra, je ne sais quand. Une journée douce de printemps, ou bien un matin mouillé d’automne, peut-être une nuit de lune, vous sentirez en votre cœur une chose inexprimable et vivante s’étirer voluptueusement, – une couleuvre heureuse qui se fait longue, longue, – une chenille de velours déroulée, – un desserrement, une déchirure soyeuse et bienfaisante comme celle de l’iris qui éclôt… Sans savoir pourquoi, à cette minute, vous nouerez vos mains derrière votre tête, avec un inexplicable sourire… Vous découvrirez, avec une naïveté reconquise, que la lumière est rose à travers la dentelle des rideaux, et doux le tapis aux pieds nus, – que l’odeur des fleurs et celle des fruits mûrs exaltent au lieu d’accabler… Vous goûterez un craintif bonheur, pur de toute convoitise, délicat, un peu honteux, égoïste et soigneux de lui-même…

Mon amie me saisit les mains :

– Encore ! encore ! dites encore !…

Hélas, qu’espère-t-elle donc ? ne lui ai-je pas assez promis en lui promettant la guérison ? Je caresse en souriant ses petites mains chaudes :

– Encore ! mais c’est fini, mon enfant. Que voulez-vous donc ?

– Ce que je veux ? mais… l’amour, naturellement, l’amour !

Mes mains abandonnent les siennes :

– Ah ! oui… Un autre amour… Vous voulez un autre amour…

C’est vrai… Je n’avais pas pensé à un autre amour… Je regarde de tout près cette jolie figure anxieuse, ce gracieux corps apprêté, arrangé, ce petit front têtu et quelconque… Déjà elle espère un autre amour, meilleur, ou pire, ou pareil à celui qu’on vient de lui tuer… Sans ironie, mais sans attendrissement, je la rassure :

– Oui, mon enfant, oui. Vous, vous aurez un autre amour… Je vous le promets.
 

Colette, Les Vrilles de la Vigne


Merci à Lucie pour m'avoir envoyé ce texte qui avait tout à fait sa place sur mon blog <3

18 décembre 2016

Bordel

Fig 1. Mode d'emploi de mon cerveau
En ce moment ma vie c'est un énorme bordel. Je n'arrive plus à écrire car j'ai beaucoup de mal à démêler mes pensées, à différencier mes envies de mes fantasmes, mes déceptions réelles des factices, le bonheur du désespoir, les sentiments de leur absence. Des fois j'ai l'impression de ne plus rien ressentir. D'autres d'être dépassée par l'intensité de mes émotions. C'est le bordel en effet.


C'est fou à quel point une relation peut nous définir. En perdant mon ex, je me suis perdue. J'ai l'impression d'avoir tellement changé... Ma vie a changé, et je me retrouve à ressentir des émotions, positives ou négatives, que j'aurais abhorré il y a plusieurs mois. Et moi je dois gérer avec tout ça, alors qu'au fond, je suis peu ou prou la même personne qu'il y a 5 mois.


Des fois j'ai l'impression que c'était hier, souvent j'ai l'impression que c'était une autre vie. Et je me rends schizophrène, à combattre mes vieilles habitudes, à rejeter ces souvenirs trop tendres, à freiner mon imagination quand je me perds dans mes pensées.

C'est étrange de m'asseoir sur le même canapé, de mettre mes pieds sur la même table basse,  de regarder la même tv. Même le foot me manque. Je suis pas désespérée d'être seule, mais je me retrouve désemparée devant le bordel qu'est devenu ma vie. Je me suis embourbée dans une relation bancale, je traîne sur des sites de rencontre sans ambition aucune, j'ai aucune idée d'où j'en suis niveau ratio chemin parcouru/chemin à parcourir.
Fig 2. Plan de vie

Pourtant à côté j'ai tout ce dont j'ai toujours rêvé. Pour la première fois j'ai trouvé un boulot dans lequel je me sens vraiment bien et auquel je me rends sans la boule au ventre. J'ai des amis plus que parfaits qui ont un sixième sens pour sentir quand ça va pas et m'envoyer un snap, m'inviter manger une quiche ou me dire qu'ils m'aiment.

Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin. Le désespoir me lasse assez vite. Demain ira mieux.

12 décembre 2016

En passant


Promis je reviens bientôt vous raconter les méandres de mon quotidien passionnant (ou pas). Là je viens de rentrer d'un merveilleux weekend avec mes meilleures amies sur London Beach, j'ai fait à l'arrache mes devoirs pour mes cours d'anglais de demain, et je vous ai trouvé une petite vidéo dans le thème.

(et c'est trop drôleuuuuh à l'intérieur y'a une anecdote que m'a raconté Pétro aujourd'hui !)

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